Jeux de Rôle Grandeur Nature – Soirée Enquête, Murder, GN, SdC…

Grandeur Nature :

Le jeu de rôle grandeur nature ou simplement grandeur nature (abrégé GN) est une forme de jeu de rôle dans laquelle les joueurs incarnent physiquement un personnage dans un univers fictif. Les joueurs interprètent leur personnage par des interactions et des actions physiques, d’après des règles de jeu et l’arbitrage d’organisateurs.

Les premiers jeux de rôle grandeur nature ont été organisés à la fin des années 1970, inspirés notamment par des jeux de rôle sur table, les murder party, du début du siècle, et des œuvres de fiction. Cette activité s’est propagée à travers le monde durant les années 1980, et elle s’est diversifiée par une grande variété de styles de jeu. Les univers fictifs de jeu incluent des univers réalistes modernes ou historiques, et des univers futuristes ou fantastiques.

Histoire :

Les origines du jeu de rôle grandeur nature sont incertaines, et pour une certaine part elles dépendent de la définition accordée au jeu de rôle grandeur nature. Au sens de cet article, le grandeur nature n’a pas un unique point d’origine ; il a été inventé indépendamment par des groupes nord-américains, européens, russes ou australiens au début des années 198021. Ces groupes partageaient souvent une expérience du jeu de rôle sur table ou d’univers littéraires de fiction, avec le désir d’expérimenter physiquement de tels contextes.

En plus des jeux de rôle sur table, le grandeur nature a été précédé et peut-être influencé par la Society for Creative Anachronism (1966), les premières murder parties (datant au plus tard du début des années 30), divers jeux d’enfants liés au combat ou à l’interprétation de rôle, les fêtes costumées, les simulations d’interprétation de rôle, la Commedia dell’arte, l’improvisation théâtrale, le psychodrame, les simulations militaires, et les anciennes pratiques de reconstitution historique.

Le premier groupe de grandeur nature serait peut-être Dagorhir, fondé en 1977 aux États-Unis et se concentrant sur des batailles fantastique. Peu de temps après la sortie du film Logan’s Run (1976), des parties rudimentaires de jeu de rôle grandeur nature étaient organisées aux États-Unis durant des conventions de science-fiction, autour de l’univers du film. En 1978, le club d’informatique de l’université de Los Angeles (UCLA) organise du Wilderness Tourney dans un parc, décrit comme du « 3D D&D ». En 1981, la International Gaming Fantasy Society (IFGS) est fondée, avec des règles de jeu inspirées par le jeu sur table Donjons et Dragons. À la même époque (avant 1981) est constituée un club de jeu des assassins au Massachusetts Institute of Technology qui inaugure la diffusion de ce type de GN d’action dans les campus américains. Le premier grandeur nature au Royaume-Uni est attesté en 1982 avec Treasure Trap, qui influença les autres grandeur nature du genre fantasy qui furent joués à cet endroit. Ces premières pratiques anglo-saxonnes servirent de modèle pour l’émergence du grandeur nature en Europe (en France vers 198428).

À partir de la fin des années 1980 et durant les années 1990, les pratiques se diversifient, avec la progression de nouveaux genres fictifs (cyberpunk, horreur) et d’un style de jeu moins orienté sur le combat. En 1982, la Society for Literature Interactive, prédécesseur du Live Action Roleplayers Association (LARPA), forma le premier groupe attesté de grandeur nature de style théâtral aux États-Unis. En 1993, l’éditeur américain White Wolf publia Vampire la Mascarade, un jeu de rôle qui sera vite lié à une version GN, le Mind’s Eye Théâtre (MET), un GN de style théâtral dans un univers gothique contemporain. Ce GN obtint une forte popularité et se répandit à travers le monde, bénéficiant notamment d’une facilité d’organisation par son environnement physique similaire aux lieux réels : durant les années 1990 et 2000, des clubs se constituent dans des centaines de villes d’Amérique du Nord et d’Europe.

À la fin des années 1990 apparaît dans les pays scandinaves un mouvement et un style de jeu désigné comme « GN nordique » (nordic larp), centré sur des pratiques expérimentales ou radicales (thèmes politiques, sociaux, psychologiques) et le souci d’une reconnaissance du grandeur nature comme une forme d’art. À partir des années 2010, ce style de jeu se diffuse progressivement en Europe et Russie.

Aujourd’hui le jeu de rôle grandeur nature est une activité répandue, surtout aux États-Unis et en Europe, et concerne au moins 100 000 joueurs dans le monde. De grands événements rassemblent des milliers de participants sont gérés par des sociétés commerciales, divers livres sont publiés et une petite industrie propose des costumes et accessoires de GN à la vente.

Terminologie, définition et description :

Cette activité est désignée globalement par « jeu de rôle grandeur nature » (parfois « jeu de rôles grandeur nature) ou « grandeur nature » ou simplement l’acronyme « GN », pour la distinguer notamment du jeu de rôle « sur table ». D’autres désignations moins communes existent, telles que « jeu de rôle semi-réel » ou simplement « semi-réel » ou bien « jeu de rôle en live » qui fait référence aux désignations en anglais : live action role-playing game (LARP) ou live role-playing game (LRP).

D’autres termes désignent plus spécifiquement certains styles de jeu de rôle grandeur nature :

  • Un « huis clos » est un grandeur nature limité dans l’espace et le temps. Une partie typique de huis clos est un jeu de style théâtral, avec moins de 30 joueurs circonscrits dans un appartement ou une maison durant une soirée.
  • Avec un scénario basé sur une énigme policière, le jeu sera fréquemment désigné comme « murder party » ou « soirée enquête ». Par abus de langage, murder party et soirée enquête tendent à désigner des huis clos.
  • Un « jeu des assassins » ou un « killer » désigne un grandeur nature basé sur la simulation d’assassinats par les joueurs.

Le vocabulaire du GN reprend celui du jeu de rôle sur table. Par exemple, la notion d’interprétation de rôle est généralement désignée en français par « roleplay » (d’après l’anglais), la description du monde fictionnel ou de l’histoire des personnages souvent désignée par « background ».
La définition du jeu de rôle grandeur nature est difficile, en raison des variétés de jeux et pratiques que ce terme englobe. Les auteurs J. Falk et G. Davenport proposent la définition suivante :

Un jeu de rôle grandeur nature est une forme de jeu théâtral et narratif qui se déroule dans un environnement physique. C’est un système de narration dans lequel les joueurs assument des rôles de personnages qu’ils incarnent en personne, à travers des actions et interactions. L’univers de jeu est un environnement accepté, situé à la fois dans l’espace et le temps, et régi par un ensemble de règles — dont certaines doivent être formelles et quantifiables.

Une description du grandeur nature peut être ébauchée d’après ses éléments fondamentaux :

  • Activité Ludique :

Le jeu de rôle grandeur nature se définit communément comme une activité ludique (jeu) ou un divertissement, majoritairement d’adultes. Il se distingue ainsi des jeux de rôle à buts thérapeutiques et des techniques d’interprétation à buts pédagogiques. De même il se distingue par cet aspect, de l’interprétation à buts artistiques (expression théâtrale, théâtre d’improvisation, performance artistique…) et des réalisations du spectacle offertes à un public passif et réceptif (arts de rue, reconstitution historique…).

À propos des motifs et intérêts de participation, Falk et Davenport estiment pertinent de se référer aux nombreuses études sociologiques à propos du jeu sur table. Celles-ci suggèrent que l’intérêt des joueurs varie de l’évasion, l’exploration sure des comportements antisociaux (violence) jusqu’au simple besoin d’amusement (fun). Bartholeyns et Bonvoisin révèlent le plaisir prépondérant d’une activité d’ordre social et collectif.

Le jeu de rôles grandeur nature tel que le promeut la Fédération est une activité ludique et de fiction qui se présente comme un divertissement (…) Si certains en font pour le plaisir d’interpréter un rôle, d’autres sont d’abord sensibles à ses dimensions sportive, culturelle, créative, sociale, etc.
— Présentation par la Fédération belge du jeu de rôles grandeur nature

Excepté quelques initiatives, en particulier dans les pays scandinaves, les praticiens tiennent rarement un discours « culturel » sur le Grandeur Nature, et plus rarement encore en faveur de son « artification ». (Bartholeyns et Bonvoisin 2010)
Cette restriction à une activité ludique est néanmoins remise en cause par un mouvement d’avant-garde (GN nordique) qui revendique une reconnaissance du GN comme forme d’art. Ainsi Lars Wingård and Eirik Fatland (Dogma 99) définissent le grandeur nature comme une « forme et méthode d’expression individuelle et collective », assimilant le grandeur nature à la performance artistique et autorisant l’expression ouvertement politique, sociale, pédagogique ou philosophique.

De même le grandeur nature sert parfois de « base pédagogique » pour des animations auprès des enfants et du jeune public. Dans ce cas, l’aspect ludique n’est plus la fin en soi.

Les études sur le jeu de rôle grandeur nature omettent l’existence des jeux de rôle sexuels et les études spécifiques sont très rares. Pour Harviainen, certains jeux de rôle sexuels, comportant des règles et interprétés physiquement (à l’exemple du jeu de domination et soumission) sont du grandeur nature mis en œuvre dans un cadre social différent. Bien que ces jeux soient orientés vers le plaisir sexuel, la distinction de buts ne serait pas pertinente par rapport aux GN traditionnels orientés vers le plaisir des joueurs (fun). Pour Harviainen, certains jeux de rôles sexuels comportent des règles conventionnelles (stop words) et sont interprétés physiquement. Bien que ces jeux soient orientés vers le plaisir sexuel, la distinction de buts/fonction n’est pas différente par rapport aux GN orientés vers le plaisir (fun).

  • Narration, interprétation :

Le jeu de rôle se définit par l’interprétation du rôle (roleplay en anglais). Chaque joueur interprète un personnage de fiction (parfois plusieurs) et contrôle entièrement les actions de celui-ci. Cette interprétation est improvisée et basée sur les logiques du personnage sans considération pour un public de spectateurs.

« Barbara est une professionnelle avec un sang-froid remarquable. On ne la fera pas craquer facilement. Elle joue à merveille son rôle d’intendante et est aux petits soins pour sa délégation et pour son jeune champion. Elle n’hésite pas non plus à envoyer des piques à Lisenko le responsable de la délégation soviétique en maniant à merveille l’ironie. Elle fait cependant tout pour apparaître comme une femme inoffensive (…) »
— Extrait de description d’un personnage du jeu Le Match du Siècle

Le jeu de rôle prend place dans une réalité fictive, définie et communiquée aux joueurs avant le début de la partie. L’un des principaux objectifs du grandeur nature est la construction ou théâtralisation d’un monde imaginaire. Cet univers de fiction est préparé par les organisateurs avec le scénario.

« A bord de ces bateaux, la pire racaille des caraïbes, montée les uns contre les autres. Après de nombreux combats et une violente tempête, les survivants échouent sur l’île du Diable, où se trouve le trésor. Seulement voilà, l’homme que se disputait chaque équipage, le seul homme qui connaissait l’emplacement des cent coffres est retrouvé mort. »
— Présentation du jeu Un Pirate ne meurt jamais

Règle :

Le jeu de rôle grandeur nature se définit par une interprétation des rôles réalisée par les actions physiques des joueurs dans un environnement physique. Par exemple, pour interpréter le déplacement de son personnage vers un autre endroit, le joueur marche vers un autre emplacement. L’espace de jeu peut être délimité par une seule salle ou bien s’étendre sur un vaste étendue extérieure. Les joueurs et les organisateurs peuvent recourir à des costumes ou déguisements, du maquillage, des décors, des accessoires et des effets spéciaux (pyrotechnie, son et lumière). Par cet aspect physique, le grandeur nature se distingue ainsi des autres jeux de rôle ludiques, tels que les jeux de rôle joués autour d’une table ou sur Internet, les jeux vidéo joués sur un ordinateur ou une console.
Le jeu de rôle grandeur nature se définit par ses règles de jeu, et à de très rares exceptions, par la présence d’un ou plusieurs arbitres (game master). L’utilisation des règles est presque toujours guidée ou arbitrée par des organisateurs (qui ne sont pas forcément les auteurs du jeu). Quelques grandeur nature ne semblent pas utiliser de règles formelles ; mais la résolution des actions reste guidée par des principes préétablis (consensus, arbitrage) qui sont acceptés par les joueurs avant le début de la partie (contrat social). Par cet aspect fondamental de règles et arbitrage, le grandeur nature se distingue des jeux de rôle enfantins ou des jeux de rôle sexuels.

Les règles de jeu sont définies dans des publications ou bien créées par les organisateurs. Ces règles peuvent définir les caractéristiques et compétences du personnage, les actions et interactions possibles avec l’univers fictif ou les autres personnages, et ce que le personnage peut faire durant la période séparant des parties (gestion de l’expérience). Parce que les joueurs peuvent être nombreux ou dispersés sur un vaste espace, les organisateurs ne peuvent généralement pas contrôler toutes les actions des personnages : aussi l’application des règles en GN est le plus souvent gérée par les joueurs eux-mêmes, selon un principe d’honnêteté (fair-play) et d’interprétation (roleplay).

« Les Maréchaux (arbitres), identifiés par des tabars jaune et bleu, représentent l’autorité sur le champ de bataille. Ils sont là pour veiller au bon déroulement du jeu. Il est de votre devoir de compter les coups que vous recevez et non ceux que vous donnez. »
— Règles du GN Bicolline


Pour la résolution des combats, certains GN utilisent des armes factices telles que des épées en mousse ou des pistolets à billes, pour déterminer si les personnages réussissent leurs actions. D’autres GN résolvent les combats en utilisant des moyens plus symboliques, par exemple des jets de dés, de tests pierre-feuille-ciseaux ou en comparant les attributs et compétences des personnages. Les règles de combat sont généralement associées à un système d’état de santé (souvent les points de vie), déterminant si le personnage est bien portant, blessé ou mort, et les manières d’interpréter théâtralement ces états.