Voici quelques lignes à propos d’un jeu qui a beaucoup fait parler de lui : Everdell. Son magnifique arbre trônant sur la table et le reste de son matériel y ont bien contribué à sa sortie. Nous avons pu en faire de nombreuses parties, voici un avis.
Pour commencer
Everdell est sorti en 2018, édité par Starling Games et distribué par Matagot en France. Créé par James A. Wilson et illustré par Andrew Bosley et Dann May. Il est conseillé à partir de 13 ans et donné pour des parties de 1 à 4 joueurs aux durées très variables. Le jeu nous propose de plonger au cœur du royaume forestier d’Everdell, au fin fond du royaume d’Everdell, où se trouve une petite ville habitée par des animaux forestiers et qui se développe et prospère à travers les âges.
Matériel et esthétique :
La première chose qui saute aux yeux est donc cet arbre en 3D et ce beau plateau arrondi. C’est vraiment magnifique, à tout point de vue. Malheureusement, cela n’aide pas à la visibilité du jeu.
Passé le coup de cœur du début, il est en réalité peu pratique de regarder les quatre cartes spéciales qui seront placées sur l’arbre, et les pions stockés dessus tomberont au premier coup de coude malencontreux. A deux joueurs, il est possible de se positionner du même côté de la table pour compenser ce problème, mais à trois ou quatre joueurs ? D’autant plus que l’aire de jeu d’un joueur est plutôt importante, avec quinze cartes posées devant soi en fin de partie. Bon, rien de grave, mais une part d’ergonomie a clairement été sacrifiée pour obtenir l’effet waouh. Oui, c’est magnifique. Mais ce n’est pas pratique. Pour le reste, les ressources sont magnifiques. Les petits rondins de bois, les baies roses agréables au toucher, les petites pépites de résine et les jolis galets donnent envie de jouer. Toutes les illustrations sont réussies et donnent une forte personnalité à l’ensemble. Bref, le matériel est très qualitatif, surtout pour le prix.
Thème et mécanique
Le but du jeu est de construire un petit village dans la forêt afin d’accueillir divers animaux, en posant devant soi une quinzaine de cartes au cours de la partie. Pour cela, il faudra trouver le bon équilibre entre points de victoire et production de ressources.
Everdell fait partie de ces jeux où l’on compte la moindre ressource, et où chaque tour se doit d’être millimétré. On jouera seulement 4 saisons qui seront autant de manches. Au fur et à mesure des saisons, les joueurs récupéreront des ouvriers. Au début, seulement 2 ouvriers, mais 6 à la dernière saison ! Ces ouvriers viendront se positionner sur les emplacements du plateau central, qui serviront principalement à récupérer des ressources, nécessaires pour payer la pose des cartes de son village.
Le mélange entre combos de cartes et pose d’ouvriers fonctionne très bien. Les choix seront cornéliens pour venir se placer sur le plateau et obtenir les bonnes ressources au bon moment. Certaines deviendront très vite des denrées rares et convoitées, le jeu deviendra alors extrêmement tendu et beaucoup moins « gentil ». Récupérer certaines cartes pourra également vite s’avérer important. Choisir, c’est renoncer ! Il sera difficile (voire impossible) de défausser des cartes de sa main ou de son plan de jeu. On pourra donc vite se retrouver complètement coincé à la dernière manche, avec 3 ouvriers sur les bras et plus aucune possibilité de jeu si on a été trop gourmand. À l’inverse, négliger les cartes productrices au début du jeu donnera un démarrage poussif et la dernière manche arrivera bien trop vite.
Tout est fait pour maximiser la montée en puissance au fil de la partie. Les cartes productrices de ressources ne pourront produire que 3 fois par partie, et les cartes pourront se chaîner pour être posées gratuitement. Il ne sera pas rare de ne jouer qu’une ou deux cartes à la première saison, mais d’être capable d’un aligner dix d’un coup à la dernière.
D’autres petites mécaniques viendront pimenter et diversifier le jeu. Sacrifice de carte ou d’ouvriers, placement d’ouvriers chez d’autres joueurs, pose de cartes chez les autres joueurs. Plein de petites choses ont été ajoutées sans pour autant alourdir le total. En effet, l’iconographie est globalement très claire, ce qui rend le jeu très accessible au final.
Ressenti et conclusion
Sous ses airs de jeu mignon et enfantin, Everdell est en réalité plutôt casse-tête si l’on veut tout optimiser. La dernière manche pourra être longue chez certains joueurs. Le matériel et le fonctionnement global me font dire qu’il est idéal à 2 joueurs. Dans cette configuration, on gardera un bon rythme de jeu, une bonne visualisation du plateau et la possibilité de suivre ce que fait notre adversaire.
La « bonne » frustration sera là à chaque fin de partie, ce qui donnera envie d’en refaire une pour s’améliorer. Mais certaines erreurs fatales apporteront en revanche un sentiment d’amertume. En particulier, la toute première manche sera cruciale pour lancer la machine. La moindre erreur pourra donner l’impression que la partie est déjà terminée si l’adversaire réussit à poser cinq cartes alors qu’on aura peiné à en poser une seule.
Au final, Everdell est sans aucun doute un bon, voire un très bon jeu. Il rejoint le genre des jeux dits « à moteur », aux côtés de Res Arcana, Splendor, It’s a Wonderful World ou Gizmos. Grâce à son esthétique, son matériel et son temps de partie raisonnable (environ 1h à 1h30), il restera accessible à des joueurs débutants. Il faudra cependant un peu d’expérience pour le maîtriser réellement et augmenter ses scores, ce qui viendra avec le temps.
Si vous êtes sensible à la beauté d’un jeu, si vous aimez réfléchir, planifier soigneusement vos actions et gérer des ressources, foncez !
Erwan P.